Préambule

Le pouvoir politique ne repose pas sur l'illusion qu'il crée, mais sur l'espérance qu'il incarne et qui peut, elle, être illusoire sans un projet de société viable, sans un contrat social sacré et réfléchi, sans un véritable pacte républicain.

Au seuil du 21eÌ€me sieÌ€cle, le constat que nous avons tiré de la situation politique du Congo- Zaïre incline à beaucoup d'inquiétudes.

Aucun parti politique n'a porté à l'attention du peuple un projet de société cohérent, dynamique et global c'est-à-dire un idéal et des valeurs clairement affirmés, des programmes, des plans et des stratégies concreÌ€tes de changement et de reconstruction portés par une culture nouvelle.

Le 30 juin 1960, le Congo-Zaïre se libérait du joug colonial. ApreÌ€s plus d'un demi-sieÌ€cle de colonisation, dans les années incertaines qui précédeÌ€rent l'accession à la souveraineté et les années de turbulences qui la suivirent, le pays a vécu une période difficile et confuse qui a vu notamment la disparition tragique du plus illustre des peÌ€res de notre indépendance : le Premier ministre Patrice Emery Lumumba.

En 1965 s'ouvre un nouveau chapitre de l'histoire du pays. La prise du pouvoir par le Président Mobutu semble marquer la fin du chaos. Un Etat fort est instauré, qui prétend régler tous les problèmes. La population est habilement encadrée, l'opposition muselée, l'unité du pays restaurée, et le Congo-Zaïre entend se poser, sur la scène internationale et africaine, comme un interlocuteur estimable. Quarante ans après son accession à  la souveraineté, l'écroulement du Congo-Zaïre est très dur et terrible.

Depuis 1990, ce que l'on appelle désormais l'ex-Zaïre vit l'ère de la débrouille et de la dépouille. Cette crise a été ouverte à  la suite de la rapide décomposition du système du Président Mobutu, décomposition qui elle-même n'était rien d'autre que le fruit d'une conduite irresponsable des affaires de l'Etat. Un vent de destruction et de gabegie s'est abattu sur la société et le peuple du Congo-Zaïre, ouvrant la voie aux excès de toute sortes, favorisant du même coup l'arrivée au pouvoir d'une junte militarisée acquise aux intérêts des forces dont l'objectif principal était la dislocation du Congo-Zaïre et une exploitation rapide et outrancières de ses ressources minières et énergétiques.

Ce processus autoritaire et anti-démocratique a laissé le peuple du Congo-Zaïre entièrement démuni. Dans un premier temps, il a pu croire que la déferlante militaire de la fameuse alliance était de bon augure et portait en elle un nouvel élan favorable à  l'essor démocratique et économique, et qu'enfin il pouvait "sortir la tête de l'eau" après plus d'un quart de siècle d'engourdissement. Il a dû déchanter rapidement quant la junte installée et contrôlée par des étrangers a développé ses Å“uvres de répression et de spoliation économique. Incapable de promouvoir un véritable élan démocratique, l'équipe de la nouvelle junte a rapidement eu des difficultés avec ses anciens partenaires avides, ce qui a conduit aux développements récents.

Pour sortir de ce chaos, a été conçu le projet "refaire la République, mission sacrée d'une génération". Ce projet est fondé sur l'idée d'une réhabilitation économique, sociale et politique du Congo-Zaïre.

Aujourd'hui notre pays traverse, sur tous les plans, la crise la plus grave de son histoire souveraine. Nous devons nous regarder en face et reconnaître que notre gestion, de l'indépendance nationale acquise dans la douleur, est un échec. Ainsi vains étaient, donc, tous les sacrifices et toutes les privations pour arracher notre souveraineté. C'est en vain que les fils et les filles du Congo avaient souffert, vaines les heures pendant lesquelles, étreints par l'angoisse de la mort, ils accomplissaient néanmoins leur devoir?

Nous devons maintenant mettre fin à  l'inconduite politique, aux mentalités inciviques qui ont été modelées par des rapports sociaux d'une vie politique de trente années de pensée unique que les bouleversements politiques de mai 1997 n'ont pas éradiqués, et à  l'irresponsabilite, au risque que notre pays soit exposé à  une disparition pure et simple, parce que nous n'aurons pas été capables de mettre en place un Etat capable d'assurer la cohésion sociale, le relèvement du niveau de vie, l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi, le développement, la défense et la sécurité de notre pays.

Nous allons reconstruire notre pays sur tant de ruines et de désastres. Nous devons nous remettre fondamentalement en cause en nous engageant, sur le plan tant politique qu'économique, dans des voies nouvelles. Refaire la république est une ambition mobilisatrice qui exige de nous de créer un nouvel élan patriotique, vigoureux, qui ne s'use pas dans les vaines querelles des investitures politiques, d'accepter les sacrifices.

Nous sommes conscients du prix de toutes ces heures qui seront enlevées à  la vie de famille, au légitime désir de repos, aux loisirs, au nécessaire retour sur soi. Naguère les fils et les filles du Congo-Zaïre ont accepté d'en faire le sacrifice pour une cause qui dépasse chacun d'entre eux. Nous devons à  notre tour avoir la force de le refaire, et l'esprit de fils et filles du Congo-Zaïre qui sont morts pour la patrie nous accompagnera dans cette action jusqu'à  la reconstruction totale de notre pays.

Nous devons songer, pour reprendre courage, aux fils et filles du Congo qui, dès 1958, ont commencé seuls le combat de la liberté qu'ils n'avaient que peu de chances de voir aboutir. Ils ont cheminé dans un tunnel en ne pouvant qu'imaginer la couleur qu'aurait le ciel du Congo-Zaïre à  l'autre bout. Nous devons avoir leur force, leur ténacité, leur foi pour redonner à  la jeunesse confiance en son avenir, pour restaurer la confiance et retrouver l'espérance, pour traduire en actes ce projet de société qui a pour ambition :

  • De mener une action vigoureuse conformément au droit international afin de préserver l'unité, l'intégrité territoriale et l'indépendance politique du Congo-Zaïre et ainsi de mettre un terme à  5 années d'errements et d'occupation.
  • De restaurer l'autorité de l'Etat, de rétablir et maintenir l'ordre public dans tout le territoire de la République, de protéger et de favoriser le bien être de notre peuple, et de sauvegarder la paix et la sécurité internationales, avec l'appui des organisations internationales, principalement l'ONU, l'aide déterminant des Etats-Unis d'Amérique, de l'Union européenne et de ses Etats membres, en particulier de la France qui a toujours manifesté son appui au principe de respect de l'intégrité territoriale des Etats africains et aussi parce que nous sommes partie prenante de la francophonie, avec le soutien traditionnel de la Belgique.
  • De faire du Congo-Zaïre un Etat moderne, une République, une et indivisible. Malgré la crise qui déchire actuellement notre pays, l'unité et la cohérence de notre territoire national reste dans notre esprit une donnée fondamentale, une réalité incontournable en dépit des tendances séparatistes stimulées par des forces étrangères.
  • D'instaurer un nouvel ordre juridique national. En effet refaire la république c'est mettre des structures en place, à  partir des règles juridiques et les faire fonctionner : c'est en un mot restaurer l'Etat et un Etat de Droit.
  • De réunir les conditions éliminant le danger de pérennisation du recours à  la violence comme unique moyen d'expression politique et par conséquent comme mode d'accession au pouvoir et ainsi, de rompre avec les discours et actes politiques irréfléchis des protagonistes guerriers du moment qui nuisent au débat démocratique et à  la vie socio-économique
  • De proposer des mesures qui mettent fin au détournement des richesses et des ressources de notre Nation au profit de quelques-uns alors que notre Patrie a un besoin urgent de reconstruction
  • De remettre ce pays en état de marche, de réunir les conditions de l'émergence d'un développement économique et politique solidement établi et conduit de manière responsable.

Ce projet est necessaire pour éviter au Pays le risque de revivre l'impréparation politique des partis au lendemain du 30 juin 1960 jusqu'à  ce jour. Loin de tout dogmatisme, il repose sur vision nouvelle de la dimension socio-politique de l'homme du Congo-Zaïre.