«On peut aisément pardonner à un enfant qui a peur de l'obscurité ; la vraie tragédie de la vie , c'est lorsque les hommes ont peur de la lumière» … Platon

Expliquer mon plan, pour impliquer les Congolais

Révision constitutionnelle, glissement électoral, changement de régime politique avec une nouvelle Constitution ? Comment sortir la République Démocratique du Congo de l’impasse pour relancer et achever le processus démocratique ? Quelles orientations politiques et quelles réformes à faire pour sortir de la crise ? Je suis convaincu que c’est le courage seul qui peut rendre à la politique congolaise sa noblesse, et à la nation sa respiration. Il faut expliquer pour impliquer. L’objectif principal de ma présence au Congo est d’expliquer à l’opinion nationale la signification et la portée de mon plan de sortie de crise. Je crois que c’est l’une de mes tâches d’expliquer pour mériter l’adhésion populaire, c’est-à-dire pour convaincre du bien fondé de ma démarche. La première condition de l’adhésion populaire me semble plutôt d’expliquer, d’expliquer, d’expliquer encore, et de promettre une seule chose aux congolais : je vous dirai la vérité et je vous promets une solution qui ne nuira pas à l’intérêt supérieur de notre pays.

J’estime pour ma part que dans la situation actuelle, convaincre est, pour moi, un impératif. Je vais m’employer pour l’atteindre en expliquant pour faire comprendre et impliquer, mais aussi en racontant pour faire comprendre et adhérer. Ma volonté est de rendre les Congolais « co-auteurs » de ce plan de sortie de crise. Je dois, pour cela, me mettre à la hauteur d’un peuple que je souhaite impliquer et convaincre en lui transmettant, avec des images simples, mes analyses, mes propositions et leurs justifications. Expliquer, d’abord, pour impliquer les Congolais, telle est mon obsession.

Je ne suis pas venu au pays en conquérant. Je suis venu au pays en ma simple qualité du fils du Congo Zaïre et président de l’UNIR MN, et c’est à ce titre que je propose à la nation congolaise toute entière mon plan de sortie de crise. Comme il s’agit de l’un des premiers actes que j’accomplirai dans ce rôle à l’intérieure des frontières nationales, spirituelles, physiques, géographiques et historiques de notre pays, je suis fier que cela soit ici avec vous, dans cette immense ville qui m’a vu grandir. C’est bien le moins que je dois à la République Démocratique du Congo. A la RDC d’aujourd’hui, mais aussi au Congo Zaïre de toujours que l’histoire, la géographie, la culture ont indissolublement lié à moi. Il y a quelque temps déjà j’avais promis à la Nation congolaise que j’interviendrais. Aussi je viens au Congo proposer à la classe politique congolaise et à la Nation tout entière un nouveau modus vivendi politique autour du thème de l’intérêt supérieur de la nation : thème qui devrait nous rassembler tous au-delà de nos clivages idéologiques. On entend ici et là tout le monde parler de l’unité nationale, c’est bien. Mais l’unité nationale, dans le contexte actuel, ne doit pas être un simple slogan qu’on clame. L’unité nationale ne se décrète pas, elle se construit. Nous devons la construire autour d’un consensus sur quelques réformes essentielles et nécessaires au règlement de manière responsable de la crise politique, à la relance et à l’achèvement du processus démocratique.

Depuis la fin des concertations nationales en décembre 2013, la République Démocratique du Congo (RDC) vit au rythme d’une disputatio interminable autour de la révision de la Constitution du 18 février 2006, adoptée par le peuple congolais en décembre 2005, et partiellement révisée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011, suite à «des situations concrètes, des contraintes et des problèmes non prévus par le constituant originaire (dans) le fonctionnement des institutions politiques tant centrales que provinciales ».[1] Et l’on entend une petite musique que nous connaissons bien depuis quelques temps sur le continent : non à la révision constitutionnelle. S’agit-il d’un mot d’ordre politique prélude à un « printemps noir » à l’image du « printemps arabe », d’une invitation contraignante à la stricte observation de quel principe général de droit constitutionnel ? Ou alors s’agit-il d’une simple invitation morale au respect par le Pouvoir constituant du pacte républicain conclu avec le Souverain primaire qui a consenti de manière expresse à la Constitution qui a été édictée?

L’appel de certaines puissances et/ou l’annonce légitime de l’Episcopat congolais au « non » à la révision constitutionnelle sont aussitôt reçus comme une justification à interdire toute tentative de révision de l’article 220 de la Constitution. Emboîtant leurs pas, des conceptions chimériques non constituées en systèmes de pensée scientifique et ne reposant sur aucune doctrine juridique, mais diffuses, imprègnent une fraction significative des opinions congolaises qui rejettent le pouvoir et s’opposent à toute tentative de révision constitutionnelle. De fait, toute proposition si séduisante et responsable soit-elle sur la révision constitutionnelle globale est perçue comme une tentative de ralliement intéressé au pouvoir. Or, certains pensent qu’une révision n’est pas mauvaise en soi (ce qui peut-être vrai, mais pas dans les conditions qui prévalent aujourd’hui); qu’une révision de grande envergure entrainerait certainement vite un déblocage de la situation, mais qu’elle ne doit pas s’imposer de manière autoritaire. Autrement dit aucune révision de cette nature ne peut s’imposer au forceps à un peuple congolais qui la rejetterait.

En effet, dans une République Démocratique du Congo à l’appétit démocratique, les séductions d’une illusoire échappatoire à l’alternance politique par « le prétexte » d’une révision constitutionnelle ne peuvent trouver écho auprès de la population sans un processus de véritable maïeutique collective nationale.

Cet essai se veut une contribution au débat crucial engagé depuis quelques temps déjà en République Démocratique du Congo sur la révision constitutionnelle. Il ne s’agit pas d’une démarche hasardeuse. J’ai pris le pari de participer à la réflexion sur la manière de sortir le pays de l’impasse dans laquelle la question de la révision constitutionnelle l’a conduit. Parce que sous le voile de l’apparente crise politique liée à la question de la révision constitutionnelle, se cache en réalité une profonde crise politique et institutionnelle, conséquence des incongruités conceptuelles et rédactionnelles de la Constitution adoptée par le Peuple congolais en 2006 et que j’avais déjà relevées en 2005. Il m’a paru que l’impasse politique dans laquelle la question de la révision constitutionnelle a conduit la République Démocratique du Congo méritait une réflexion plus large.

Cette réflexion a pris la forme de ce plan d’action pour débloquer de manière responsable la situation politique en République Démocratique du Congo. Quand on est dans l’impasse politique, il faut prendre un autre itinéraire politique balisé qui ouvre la voie sur le chemin de l’espérance. Certes, la question de la révision constitutionnelle n’a pas bonne opinion en République Démocratique du Congo, ni bonne presse à l’étranger et ce, depuis que certaines puissances en ont fait l’alpha et l’oméga de leurs mots d’ordre sur la « démocratiabilité » en Afrique « au mépris de certains enjeux locaux, nationaux et régionaux » dit-on ! Pour les uns, cette révision constitutionnelle ne revêtirait aucun caractère d’urgence. Elle ne servirait qu’à masquer des enjeux autrement plus graves et ne cacherait en réalité qu’une démarche machiavélique pour se maintenir au pouvoir. Pour d’autres, la révision constitutionnelle ne serait qu’une occasion de se livrer à des constructions intellectuelles dont l’abstraite complexité n’aurait d’équivalent que leur plus grande inutilité pratique. Très souvent l’illusionnisme constitutionnel occulte l’impuissance réformatrice. Alors, quelles orientations politiques pour sortir la République Démocratique du Congo de l’impasse ?

Je sais que mes propositions et ma démarche ne plairont pas à tout le monde. Je ne cherche pas à plaire. Cependant, je n’entends ni céder au réalisme sans perspectives du cynisme politique qui incite à considérer la question du bon sens en politique comme une forme de naïveté intellectuelle, ni aux effusions altruistes de la « belle âme » qui incite à considérer le bon sens comme un ralliement. Le temps filtre et purifie ; l’histoire soupèse et juge. Je n’ai aucunement renoncé à mes convictions, mais je cherche à présenter une alternative crédible au « désordre établi » que conserve aujourd’hui notre Constitution : nous ne changerons rien si nous ne sortons pas de constructions théoriques pédantes qui n’ont aucune chance de se muer en réformes réelles. Ma démarche n’a qu’un seul objectif : sortir le pays de l’impasse. Mon objectif est d’éviter que la RDC ne sombre à nouveau dans le chaos parce que cette fois, elle ne se relèvera pas. C’est pourquoi j’invite tous les congolais à une réflexion approfondie sur les conséquences de cette crise qui se cristallise.  Je pense que quand la volonté du peuple s’est bien affirmée sur certaines questions sensibles, que la nature et la forme des réformes n’ont rien en soi de contraire aux principes qui seuls peuvent consolider la cohésion nationale, lorsqu’il n’y a plus pour arracher son pays aux abîmes qui le menacent que l’adhésion sans arrière-pensée à l’action salvatrice, le moment vient de déclarer la preuve faite et de mettre un terme à nos divisions.

Je suis du côté de ceux qui préconisent non pas le changement pour le changement, mais bien l’amélioration de la condition humaine en République Démocratique du Congo. Le grand défi politique et sociétal consiste aujourd’hui et demain à transformer tous les changements et bouleversements qui nous tombent dessus, en véritable progrès humain. Cela implique des choix à caractère moral. Ce qu’il nous faut est une éthique du changement plus qu’un changement de l’éthique.

Il n’y a rien d’idéologique dans ma démarche, ni de partisan, moins que jamais. Je suis parvenu à la conclusion que les oppositions sur la question de la révision constitutionnelle cachent un vrai malaise et que nous devons passer par une phase de réformes très profondes des institutions et donc du système constitutionnel et politique. Nous le pouvons et n’en ressortirons que plus forts, mieux armés, prêts à de nouveaux progrès. Il faut un déclic. Les réflexions que je développe dans ce plan d’action ne sont pas inspirées par la seule conjoncture. Elles s’inscrivent dans la durée.

La situation qui s’apparente à la profonde crise politique que traverse la République Démocratique du Congo ne doit pas être réduite aux seules turbulences de l’opinion publique sur la question de la révision constitutionnelle. Le problème est grave. Sa gravité même oblige à transcender les clivages. Sous le voile de la crise politique, c’est en réalité une vraie et dangereuse crise politique qui se cristallise en République Démocratique du Congo. La crise actuelle met à nu une crise systémique. Faut-il dès lors attendre que survienne une crise violente pour se décider à changer le système ? Ou serons-nous capables de prendre à temps le taureau par les cornes, de regarder les choses en face et de changer profondément l’organisation de la République avant qu’une révolte, un électrochoc ou un cataclysme social ne nous contraigne à agir dans l’urgence ?

Sans attendre la rupture et des instabilités bien plus grandes, il faut saisir l’occasion qui se présente aujourd’hui de rénover profondément et sereinement le système politique de la République Démocratique Congo. Je crois que le pays à l’unisson s’attend à une nouvelle donne : La refondation nationale ! Bref ! Chacun espère une respiration démocratique qui redonnerait souffle et élan. Sans une impulsion nationale forte, point de grandes ambitions collectives ni de puissantes politiques publiques qui modernisent, transforment, enrichissent, éduquent et redistribuent. Quand l’Etat s’ankylose, il ne pèse plus sur les leviers du changement. Et la société perd le cap et l’énergie. C’est en ouvrant grand les vannes de la démocratie que le pouvoir politique et administratif sortira de sa sclérose et retrouvera vigueur, vitalité et efficacité.

Dans un pays politiquement en crise et où le processus démocratique est bloqué comme la République Démocratique du Congo, on attend des élections qu’elles mettent fin aux crises politiques. Pourtant, si toutes les précautions ne sont pas prises, elles peuvent aggraver les conflits existants voire devenir elles-mêmes sources de nouvelles tensions. C’est pourquoi j’invite tous les congolais à une réflexion approfondie sur les conséquences pour l’avenir de notre pays, des élections organisées dans la précipitation inconsidérée.

Il s’en suit que si elle a lieu dans le climat politique délétère qui règne depuis un certain temps dans notre pays, l’élection présidentielle prévue constitutionnellement cette année est une grande échéance qui pourrait malheureusement servir de prétexte à la grande déstabilisation de notre pays la République Démocratique du Congo, et celle-ci sera catastrophique si nous n’y prenons pas garde. Je m’inquiète des tensions politiques qui s’annoncent déjà avant les élections et je redoute pour la stabilité de mon pays, les conséquences des violences préélectorales. Le degré de « malvoyance » de certains leaders politiques sur certains enjeux est tel qu’il les empêche d’apercevoir la réalité du danger qui guète notre pays, et ils soutiennent mordicus l’organisation des élections dans le respect des délais constitutionnels.  Nous ne pouvons pas aller aux élections dans ces conditions. A moins que la RDC ne roule de nouveau vers la catastrophe, seul un accord politique pourrait donc mettre fin à la crise, rétablir la confiance et la paix, relancer et achever le processus démocratique. Or, les conditions d’un pareil accord étant bien claires et bien connues, il est encore temps d’espérer. Cet accord aurait pour premier objectif de définir le cadre dans lequel l’actuel président pourra, à la fin de son mandat, s’inscrire dans le processus continu de refondation nationale initié depuis 2001, pour enfin éviter que le pays ne plonge à nouveau dans le chaos parce que cette fois il ne se relèvera pas. C’est pourquoi j’invite tous les Congolais à une réflexion approfondie sur les conséquences pour notre pays, de l’escalade de la violence. Je suis convaincu que l’actuel président a d’autres rôles aussi importants à jouer dans l’avenir. Plus précisément, je suis persuadé qu’avec l’expérience et les acquis de sa fonction, sa connaissance de certains dossiers très sensibles, il pourrait jouer un rôle et qu’il vaut donc mieux qu’il joue un rôle très favorable comme je le propose dans le cadre de ce plan. Sans nul doute, une pareille issue n’est pas du tout mûre aujourd’hui ; à supposer qu’elle ne le devienne jamais. Mais j’estime nécessaire d’affirmer qu’à mes yeux il n’en existe aucune autre, sauf à condamner la RDC à des malheurs toujours grandissants. J’affirme que le seul moyen de mettre un terme à cette crise passe par la recherche d’un accord politique sur l’avenir de l’actuel président et de ses successeurs dans la fonction présidentielle et non par l’escalade de la violence. Seul un accord politique pourrait mettre fin à la crise, rétablir la confiance et la paix, et relancer et achever le processus démocratique en RDC. Pour arriver à cette conclusion, j’ai été amené à faire la synthèse entre ce qui est de l’ordre de l’inquiétude sur l’avenir général du pays et ce qui est de l’ordre de l’inquiétude sur l’avancement du processus démocratique et électoral.

C’est pourquoi je demande que l’on prenne tous les problèmes à bras le corps et qu’ils soient réglés définitivement pour que l’impasse ne se transforme pas en conflagration. Le plus important ce n’est pas l’affrontement pour « dégager » ou « tuer » l’autre, mais notre capacité à apporter des réponses crédibles afin de mettre fin de manière responsable à la crise. Je suis plus que convaincu que la solution à la crise ne peut qu’être le fruit de la synthèse des consciences. C’est pourquoi je plaide pour un sursaut national de la classe politique congolaise afin que des hommes de bonne volonté, au-delà des querelles partisanes, élaborent ensemble un programme d’action qui doit non seulement mettre un terme de manière responsable à l’impasse politique, mais aussi relancer et achever le processus démocratique et électoral en RDC.

Ma conviction est faite : il n’y a pas actuellement dans cette crise de problèmes insolubles. Quand on regarde les problèmes sans complaisance, ils ne sont pas insurmontables. Pour l’essentiel, ce sont les hommes politiques qui les créent ou les entretiennent, par manque de confiance en eux et aussi et surtout du fait de l’impuissance psychologique à décider de la fin de ce conflit. Or, pour qu’une concertation politique aboutisse, il y faut la volonté et la faculté de décision. N’excluons donc de la concertation aucun sujet quel qu’il soit. Je propose que tous les problèmes, dans les limites du bon sens, soient négociables. Je ne sais s’il y a une réponse acceptable par tous à tous les problèmes. Mais nul doute qu’il y a des problèmes et que non résolus ils pèseront d’un poids tragique et durable sur notre pays. Mon intention est de faire appel à l’esprit de compréhension de tous. J’estime que nous sommes arrivés à un moment où, au-delà des divergences et des polémiques, il faut faire un gros effort pour essayer de se comprendre. Car c’est seulement une certaine compréhension mutuelle qui fera disparaître la tension, l’inquiétude et aussi l’angoisse qui règnent aujourd’hui dans trop d’esprits. Il faut une perspective politique.

En effet, dans une République Démocratique du Congo politiquement fracturée, où la désespérance alimente les craintes de dislocation, le rôle du pouvoir public en général, et des hommes politiques en particulier, n’est pas de créer le désordre mais d’harmoniser les inévitables contradictions commandées par l’évolution d’un grand peuple pluriel. C’est la raison pour laquelle je propose ce plan. Quel est l’objectif du plan, quelles sont les réformes à faire pour atteindre cet objectif et quelle est la méthode pour réaliser les réformes ?


[1]  Exposé des motifs, alinéa 1.