La crise politique et institutionnelle actuelle est liée, en grande partie, à l'absence de fondement constitutionnel de l'ordre politique institué depuis mai 1997, mais aussi et surtout à la question de la légitimité de l'exercice de la fonction présidentielle, et celle des conditions de formation d'un gouvernement de transition compétent pour conduire des négociations avec les autorités des Etats en belligérance avec le Congo-Zaïre. Dans une précédente publication je relevai que “depuis 1997, le Congo-Zaïre vit dans une sorte de chimeÌ€re constitutionnelle. DeÌ€s son arrivée au pouvoir le Président Laurent Désiré Kabila a repris l'ancien nom du pays, le plus ancien drapeau et l'ancien hymne national, alors qu'il n'a pas repris l'ancienne Constitution pour faire fonctionner les institutions de la République. Il a meÌ‚me abrogé par décret la Constitution de la République adoptée par la Conférence nationale souveraine". J'ai fini par conclure que " finalement, à la différence de la dictature constitutionnelle de la période Zaïre, le régime instauré par le Président Laurent Désiré Kabila n'est qu'un objet politique non identifié. L'imbroglio politico juridique suscité à sa mort par l'accession de son fils à la présidence de la République en est une illustration” . Les meÌ‚mes causes produisant les meÌ‚mes effets, le cadre institutionnel qui est proposé actuellement, par les participants au " dialogue intercongolais " à Pretoria ressemble plutoÌ‚t à un monstre institutionnel indescriptible : un président ; quatre vices présidents, - et pourquoi pas huit premiers vices présidents-, trente sept ministres et vingt cinq vices ministres. Un Exécutif de soixante sept (67) portefeuilles pour gérer la transition politique me paraiÌ‚t répondre malheureusement plus aux préoccupations de dosage politicien entre les formations politiques participantes au dialogue inter congolais qu'à un souci d'efficacité et de bonne gouvernance. Comment financer la gestion d'un tel mastodonte structure gouvernementale. Et comment faire fonctionner un tel systeÌ€me aux contours obscurs ?

Il s'agit là  encore d'une expérimentation hasardeuse qui n'arrangera pas la situation calamiteuse de la République et l'état piteux dans lequel se trouve notre pays. On ne nous fera pas entrer dans ce piège à  rat. Vouloir imposer un tel système pour résoudre la crise congolaise relève du phantasme politique cynique et de la vanité stérile. Mais en tout état de cause si un tel système peut résoudre la crise politique qui saigne notre pays, nous ne manquerons pas de rendre hommage à  ses initiateurs, et nous soutiendrons efficacement son action pour le salut de notre patrie.

La crise institutionnelle et politique que connaît aujourd'hui le Congo-Zaïre doit obligatoirement être réglée selon le principe de l'autodétermination, principe en vertu duquel chaque Etat a le droit de se doter de structures politiques, économiques et sociales de son choix, et de choisir librement ses dirigeants. Ce sacro-saint principe, clairement inscrit dans la Résolution 1514 de l'Assemblée Générale de l'ONU relative à  la Déclaration sur l'Octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, constitue l'âme même d'une nation. Autant dire que le principe de l'autodétermination est l'expression de la souveraineté, c'est-à -dire la manifestation de l'indépendance de tout Etat membre. La Conférence nationale souveraine tenue par le peuple zaïrois réuni en 1992-1993 est une illustration de l'application de ce principe de droit international.

L'UNIR MN reconnaît et salue les efforts des filles et fils du Congo-Zaïre pour les travaux qu'ils ont réalisés lors la Conférence nationale souveraine. Celle-ci avait déjà  tracé la voie, et posé deux principes de base sur la question du règlement politique. Il s'agit, d'une part, de l'interdiction de prendre le pouvoir par les armes ou la force et, d'autre part, de la formation d'un gouvernement d'union nationale pendant la période de transition.

En effet, l'acquis fondamental de cette Conférence nationale souveraine est qu'elle a permis au peuple du Congo-Zaïre réuni en conférence, de se doter d'une Constitution de transition claire. L'ensemble des dispositions constitutionnelles de transition a fédéré toutes les aspirations du peuple de se doter d'un nouvel ordre politique et institutionnel consensuel. Il définit clairement les institutions de la République, les modes d'exercice du pouvoir, et les mécanismes de contrôle de l'exercice du pouvoir.

Cette loi fondamentale de transition a eu la caution de la communauté internationale représentée par des chancelleries des Etats et par les représentants des institutions internationales accréditées au Congo-Zaïre. Tous, ils ont fondé l'espoir de voir le Congo-Zaïre s'engager sur la voie de la démocratisation et de l'Etat de droit. Mais, malgré la lenteur du rythme dans la mise en Å“uvre de la transition liée pour l'essentiel aux gesticulations politiciennes et à  l'inconduite civique de la classe politique, tout le monde était conscient que la démarche historique était irréversible et que le changement de cette ampleur met du temps à  s'enraciner. Malheureusement, ce compromis politique historique a été interrompu par le coup de force du 17 mai 1997 avec l'avènement du Président Laurent Désiré Kabila à  la tête d'un ordre politique illégal. Le défunt président a lui-même reconnu dans son décret du 28 mai 1997 en son article 14 qu'il renversait la légalité constitutionnelle de transition politique lorsqu'il décrète : " Toutes les dispositions constitutionnelles légales et réglementaires antérieures au présent décret-loi constitutionnel sont abrogées ". Aussi la démarche de l'UNIR MN reste-elle de proposer la voie positive et équilibrée de sortie qui puisse arrêter une fois pour toute la crise politique et institutionnelle, la guerre et sauver nos populations de la souffrance insoutenable qui les frappe et réengager notre pays sur la voie de sa reconstruction. Ce que l'UNIR MN propose pour la transition, c'est le recours au cadre institutionnel de transition institué par la Conférence nationale souveraine, et qui a unis fondamentalement les filles et les fils du Congo-Zaïre sur les questions concernant l'organisation et l'exercice de pouvoir dans notre pays. Le retour à  la légalité passe donc par la légitimité de l'Acte Constitutionnel de Transition. Il est fondé que ce soit autour de cet Acte Constitutionnel de Transition que l'on doit chercher la réponse à  la crise en réhabilitant des institutions légales et légitimes de l'ordre politique de transition renversé depuis le 17 mai 1997. Quelle que soit ses imperfections, cet Acte fondamental demeure le seul instrument pour sortir le Congo-Zaïre de sa crise politique et institutionnelle. Il est bien évident que les dispositions, globalement pertinentes, de cet Acte constitutionnel ne seront pas reprises dans leur intégralité. Néanmoins, on ne saurait les ignorer. C'est dire que certaines dispositions jadis retenues doivent être susceptibles, soit de réexamen, soit d'approfondissement. L'UNIR MN préconise de recourir à  cet Acte constitutionnel de transition en y apportant trois innovations fondamentales.

L'innovation la plus profonde, pour taire la crise institutionnelle et la querelle sur la question de la légitimité du pouvoir, doit eÌ‚tre sans doute l'élection du Président de la République de transition au suffrage indirect par les représentants du peuple réunis en conférence nationale souveraine. L'UNIR MN estime qu'il serait urgent que le Conseil de sécurité de l'ONU se saisisse de la question afin de réinstaller rapidement le bureau du Haut Conseil de la République - Parlement de Transition (HCR-PT) dans ses attributions, et en tenant compte de la configuration du paysage politique actuel. Ce nouveau bureau du HCR-PT devra rapidement convoquer, conformément à l'article 66 de l'Acte Constitutionnel de Transition une session extraordinaire du HCR-PT sous forme de conférence nationale et saisir la Cour supreÌ‚me de justice conformément à l'article 53 de l'Acte de transition, afin de procéder à l'élection du Président de la République. Celui-ci dont le mandat durera jusqu'à la tenue des élections démocratiques au suffrage universel, prendra toutes les dispositions que la Constitution lui confeÌ€re afin de ramener la paix au pays et dans notre espace régional. Ce qui sous-entend l'organisation du dialogue national souverain sous sa houlette, l'ouverture des négociations officielles directes avec les Etats voisins, restauration de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national.Institution dominante de la transition, l'élection du Président, par les représentants du peuple congo-zaïrois réunis en conférence nationale souveraine, est la conséquence du roÌ‚le effectivement joué par le chef de l'Etat, que doit légitimer son mode de désignation. D'abord afin de faire ratifier ce roÌ‚le par le peuple et, ensuite, pour le perpétuer apreÌ€s la transition par le mécanisme du suffrage universel direct.

Deuxième innovation, la nomination d'un Premier ministre désigné en conférence nationale, par le Chef de l'Etat. C'est donc au Chef de l'Etat la charge d'accorder l'intérêt général quant au choix du Premier ministre avec l'orientation politique qui se dégage à  la Conférence nationale. En effet pour éviter d'instaurer une dyarchie au sommet de l'Etat et taire la querelle de légitimité au sein de l'exécutif, le Premier ministre ne doit plus être élu mais nommé par le Chef de l'Etat, après avoir été présenté et investi, après concertation avec la classe politique réunie en conférence nationale, par la famille politique à  laquelle n'appartient pas forcement le Président de la République. C'est dire que le chef de l'Etat ne nommera pour Premier ministre que la personne désignée par l'ensemble du corps électoral en conférence nationale. Cette nouvelle structuration au sein de l'exécutif aura pour objectif d'éviter de revenir sur les querelles sur la dyarchie qui avaient opposés le Président Mobutu et le Premier ministre Etienne Tshisekedi sur la question de domaine des compétences, ou du moins du partage des attributions, et paralysés en même temps le fonctionnement des institutions.

On ne saurait plus accepter qu'une dyarchie paralysante existe au sommet de l'Etat. C'est la prééminence du chef de l'Etat qui permet d'éviter tout conflit, d'éviter de gouverner le pays " à hue et à dia ". En effet, on ne demande pas à l'ensemble du corps électoral représentant le peuple de vous élire à la teÌ‚te de l'Etat en lui exposant les grandes lignes d'une action qui ne peut gueÌ€re eÌ‚tre qu'un programme de gouvernement sans vous confier les moyens de veiller à ce que les pouvoirs publics accomplissent cette volonté nationale. Elu par les représentants du peuple auquel il a proposé les grandes options de l'Etat et qui l'ont mandaté pour les mettre en Å“uvre, c'est donc au chef de l'Etat, placé au-dessus des partis que doit procéder le pouvoir exécutif. Le Président, qui nomme le Premier ministre, a la faculté de le changer soit parce qu'il estime que ce dernier n'a plus la confiance de l'Institution parlementaire de transition, soit pace que se trouve accomplie la taÌ‚che qu'il lui destinait, et qu'il veuille s'en faire une réserve en vue d'une phase ultérieure, soit parce qu'il ne l'approuverait plus.

La fonction de Premier ministre, quelle que soit son utilité, doit rester subordonnée à celle du Président de la République. Certes, le Gouvernement doit tenir compte de l'orientation qui se dégage du Parlement, et cela d'autant plus que l'article 75 de l'Acte Constitutionnel de Transition dispose que " le Gouvernement est pleinement responsable de la gestion de l'Etat et répond de celle-ci devant le Haut Conseil de la République - Parlement de Transition... ", mais ce Gouvernement est nommé par le Chef de l'Etat et lui seul. C'est donc sous l'impulsion du Président de la République que le Premier ministre doit diriger la politique et le travail du gouvernement. Il existe donc deux spheÌ€res : l'une, l'Exécutif, englobant l'autre, le Gouvernement. Si le Président de la République est clairement au centre de la premieÌ€re spheÌ€re, il n'est pas certain que les deux spheÌ€res soient concentriques et que la seconde, le Gouvernement, n'ait pas son centre propre : le Premier ministre. Ainsi durant la période de transition, l'Exécutif comportera-t-il, apreÌ€s le Président voué à ce qui est essentiel et permanent, un Premier ministre aux prises avec les contingences. C'est le Président, et lui seul, qui trace les orientations, fixe les buts en tenant compte des orientations qui se dégagent de la majorité parlementaire, donne des directives au Gouvernement. Sans doute dans le cadre de ces directives, le Premier ministre seul responsable devant le Haut Conseil de la République - Parlement de Transition, reste-t-il libre du choix des moyens pour franchir les obstacles dressés par les contingences. Cette conception est le rejet ferme du régime présidentiel strict et la confirmation de la nécessité d'un Premier ministre qui décharge le Président de la conjoncture politique, parlementaire, économique et administrative. C'est là le lot, aussi complexe et méritoire qu'essentiel, du Premier ministre durant la transition.

Il s'agit là de la conception d'un régime semi-présidentiel à correctif parlementaire dualiste caractérisé par le roÌ‚le actif joué par le Chef de l'Etat et la double responsabilité du Premier ministre et du gouvernement, à la fois devant le Président de la République et devant le Haut Conseil de la République - Parlement de Transition. Cette conception institutionnelle exprime notre souci d'éviter de revenir sur le régime d'assemblée qui a géré notre Congo de 1960 à 1965 avec la crise politique catastrophique qui s'en est suivi, et également de mettre fin au présidentialisme absolu qui gouverne notre pays depuis 1965 à nos jours. Elle traduit notre préoccupation pour la restauration du pouvoir légitime de l'Etat, l'accent est mis sur la prééminence du peuple à travers ses représentants réunis en conférence nationale souveraine et l'importance de la fonction présidentielle avec l'élection du Chef de l'Etat par les représentants du peuple.