Que le sommeil de la mort de tant de filles et fils du Congo-Zaïre, victimes des guerres qui ont deÌchireÌ notre patrie, puisse eÌ‚tre un avertissement pour les geÌneÌrations futures afin qu'elles se souviennent toujours que de telles horreurs ne doivent plus jamais se renouveler. Vendre notre Congo-Zaïre comme certains le suggeÌ€rent ou l'abandonner gracieusement entre les mains des eÌtrangers, c'est donner la beÌneÌdiction aux occupants de nos terres de profaner les tombes de ceux qui nous sont chers et d'en faire ce qu'ils veulent. Notre pays est unique, c'est-à-dire que nous en avons qu'un seul. Nous devons donc le proteÌger preÌcieusement. Pour cela le principe fondamental que nous devons toujours avoir devant les yeux lorsque nous signons tout accord engageant notre pays, dans le reÌ€glement de la crise des Grands-lacs, est celui de l'indisponibiliteÌ de terres de nos anceÌ‚tres.
Dans un monde deÌstabiliseÌ par l'effondrement du systeÌ€me bipolaire, fragiliseÌ par la mondialisation et travailleÌ par l'inteÌgrisme " civilisateur " et cultuel, dans un monde ouÌ€ plus rien n'a de sens, ceux qui, comme nous, filles et fils du Congo-Zaïre, ont la chance d'en trouver un au destin de leur nation doivent tout lui sacrifier. Mais je ne puis croire qu'il faille tout asservir au but que l'on poursuit. Il est des moyens qui ne s'excusent pas. Et je crois que nous pouvons aimer notre pays en aimant la justice. Je ne veux pas pour le Congo-Zaïre de n'importe quelle grandeur, fuÌ‚t-ce celle du sang et du mensonge. C'est en faisant vivre la justice que nous allons faire vivre notre pays.
En ce moment ouÌ€ les armes continuent silencieusement à tuer et à deÌtruire tout ce qui nous est cher, il m'eÌchoit d'adresser ce message d'eÌveil de la conscience patriotique et citoyenne à vous filles et fils du Congo-Zaïre afin de vous exprimer, au nom de tous les membres de l'Union Pour la ReÌpublique/Mouvement National (UNIR MN), notre profonde indignation face à la barbarie des belligeÌrants qui souillent notre patrimoine national et de vous exhorter à vous engager dans la lutte politique pour la libeÌration totale de notre patrie. La liberteÌ, c'est passer d'un eÌtat à l'autre, c'est s'arracher à quelque chose. C'est donc une rupture. Je pars d'un exemple non veÌcu, qui est que pour conqueÌrir notre indeÌpendance, c'est-à-dire notre liberteÌ de peuple conquis, il a fallu à nos parents de rompre avec les pratiques quotidiennes d'une colonie, qu'ils acceptent l'enchaiÌ‚nement de risques que cela supposait.
NeÌ en 1960, l'anneÌe de l'accession de notre pays à sa souveraine indeÌpendance, j'appartiens donc à une geÌneÌration qui n'a jamais veÌcu la " guerre " dans les anneÌes incertaines qui preÌceÌdeÌ€rent la deÌcolonisation et les anneÌes de turbulences qui la suivirent. Je n'ai donc pas spontaneÌment la perception de la dimension tragique de cette peÌriode de l'histoire de notre patrie. Pour penser à cette histoire, pour eÌvoquer la meÌmoire de la " guerre " d'indeÌpendance, il nous faut faire un effort de construction intellectuelle, que n'avaient pas à faire ceux qui l'avaient veÌcue. L'engagement raisonneÌ, reÌfleÌchi, ressenti des acteurs politiques de cette peÌriode les conduisait sans doute à faire plus naturellement des gestes plus forts. C'est pourquoi je crois qu'il est aujourd'hui plus que urgent de rappeler aux filles et fils du Congo-Zaïre que, nous, qui avons subi l'humiliation, connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir sous la colonisation et encore aujourd'hui sous l'occupation de nos terres par quelques Etats africains, ne devrons jamais oublier que c'est par la lutte que nos parents ont conquis notre souveraine indeÌpendance, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et ideÌaliste, une lutte dans laquelle ils n'ont meÌnageÌ ni leurs forces, ni leurs privations, ni leurs souffrances, ni leur sang. Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous, leurs descendants, devons en eÌ‚tre fiers jusqu'au plus profond de nous meÌ‚mes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à la colonisation qui nous eÌtait imposeÌe par la force mais qui heureusement a fait de notre espace geÌographique une patrie, une nation unie, un Etat reconnu internationalement souverain dans ses frontieÌ€res. Pour toutes ces raisons et en hommage à la providence qui a bien voulu que cela soit ainsi, nous devons faire du Congo-Zaïre notre cause, la cause sacreÌe de notre existence, la cause sacreÌe de notre combat spirituel. Nous devons utiliser toute notre eÌnergie spirituelle pour le salut de notre patrie. Et l'invocation pusillanime que nos eÌglises, nos groupes de prieÌ€re, nos organisations confessionnelles ainsi que nos associations de patriotes adressent aujourd'hui au ciel : " Seigneur, aides nous et rends nous libres ", doit se transformer dans l'esprit de tous les filles et fils du Congo-Zaïre en cette ardente prieÌ€re : " Dieu Tout-puissant, reÌveilles notre conscience patriotique et citoyenne, reÌveilles notre courage et nos forces ; sois aussi juste que tu le fus toujours ; deÌcide maintenant si nous meÌritons la victoire de la sagesse et la liberteÌ ; Seigneur, beÌnis notre cause, rends notre mission aussi sacreÌe que celle des apoÌ‚tres, rends notre glaive aussi tranchant que l'eÌpeÌe de Saint Pierre l'apoÌ‚tre, aides nous à faire de notre territoire un nid de frelons insusceptible de conqueÌ‚te". DoreÌnavant nous devons toujours garder dans notre esprit que contrairement à ce que nous pensions naïvement parfois, l'esprit seul ne peut rien contre l'eÌpeÌe, mais que l'esprit uni à l'eÌpeÌe est le vainqueur eÌternel de l'eÌpeÌe tireÌe pour elle-meÌ‚me. Nous devons toujours et à chaque instant de notre vie nous souvenir, sans fleÌchir, de notre unique devoir : preÌserver la patrie contre le danger de convoitises exteÌrieures, et prier la providence pour qu'elle ne refuse pas sa beÌneÌdiction à notre cause et qu'elle veuille bien ne pas abandonner notre peuple dans les temps à venir.
Les filles et les fils du Congo-Zaïre doivent savoir que la liberteÌ dont jouit un pays dans ses relations avec l'eÌtranger n'est pas un don gratuit du ciel ou de puissances de la terre, mais ne peut jamais eÌ‚tre que le fruit du deÌveloppement de ses forces propres.
Quand un peuple, comme le noÌ‚tre, voit sa subsistance garantie par l'eÌtendue de son territoire, il est neÌanmoins neÌcessaire encore de penser assurer la seÌcuriteÌ de celui-ci. Celle-ci reÌsulte de la puissance politique d'ensemble de l'Etat, puissance qui est directement fonction de la valeur de ses hommes politiques, et de la valeur militaire de sa situation geÌographique.
Le peuple du Congo-Zaire ne saurait envisager son avenir qu'en tant que puissance reÌgionale. Aujourd'hui, notre ReÌpublique DeÌmocratique du Congo n'est pas une puissance reÌgionale. MeÌ‚me si notre impuissance politique et militaire momentaneÌe venait à cesser, nous ne pourrions plus rapidement preÌtendre à ce titre. C'est dire que, aujourd'hui, nous ne luttons pas pour reconqueÌrir la situation de puissance reÌgionale ; nous avons à combattre pour l'existence de notre patrie, pour l'uniteÌ de notre nation, pour le pain quotidien des filles et des fils du Congo-Zaïre.
Aujourd'hui, il s'agit d'abord de rendre à notre peuple la puissance que posseÌ€de un Etat fort et libre ; la renaissance d'un tel Etat est la condition preÌalable et neÌcessaire qu'il faut remplir pour pouvoir pratiquer plus tard une politique reÌgionale efficace qui permettra à notre peuple d'asseoir deÌfinitivement son indeÌpendance et à la patrie de jouir de sa souveraineteÌ effective. On doit, pour cela, supprimer les causes de notre effondrement, aneÌantir ceux qui en tirent avantage, eÌliminer impitoyablement toutes velleÌiteÌs de divisions inteÌrieures, bref toutes les autres consideÌrations quelles qu'elles soient. Pour ce faire, nous ne devons jamais perdre d'esprit un principe strateÌgique fondamental : il n'est pas absolument neÌcessaire, pour que notre peuple puisse reconqueÌrir son indeÌpendance, que le territoire du Congo-Zaïre forme un tout ; il suffit qu'il subsiste, comme actuellement, une dernieÌ€re parcelle, si petite soit-elle, de notre peuple et de notre Etat qui, jouissant de la liberteÌ neÌcessaire, puisse non seulement conserver le deÌpoÌ‚t de la communauteÌ spirituelle de la nation congo-zaïroise toute entieÌ€re, mais encore preÌparer les voies et moyens de la politique qui sera meneÌe pour reconqueÌrir notre souveraine indeÌpendance
J'invite mes compatriotes à une profonde reÌflexion sur le fait que quand un peuple de soixante millions d'hommes comme celui du Congo-Zaïre supporte en commun, pour conserver l'inteÌgriteÌ de son Etat, le joug de l'occupation et de l'asservissement, cela est pire que si notre peuple et notre Etat avaient eÌteÌ deÌmembreÌs comme nous le vivons aujourd'hui, une de leurs parties restant encore en liberteÌ. En supposant naturellement que la partie libre soit peÌneÌtreÌe de la sainte mission sacreÌe qui lui incomberait : non seulement elle doit proclamer avec vigueur, sans se lasser, que le peuple du Congo-Zaïre est indissolublement uni par son esprit et sa culture, mais aussi prendre les mesures neÌcessaires pour lepreÌparer à l'emploi d'une politique forte dont il aura à se servir pour affranchir deÌfinitivement et reÌunir à nouveau les territoires encore opprimeÌs.
Nous devons reÌfleÌchir en outre que, lorsqu'il est question de reconqueÌrir nos territoires occupeÌs, il s'agit d'abord pour Kinshasa, capitale de la ReÌpublique, de reÌorganiser sa puissance politique et son indeÌpendance ; qu'en pareil cas, les inteÌreÌ‚ts non fondamentaux de nos territoires occupeÌs doivent malheureusement eÌ‚tre momentaneÌment et provisoirement sacrifieÌs à la seule chose strateÌgiquement importante : reÌorganiser rapidement et efficacement les structures du sieÌ€ge du pouvoir de l'Etat. Car ce ne sont pas les vÅ“ux de nos compatriotes opprimeÌs ou les protestations qui deÌlivreront les fragments de notre peuple ou les provinces de la ReÌpublique, mais bien l'emploi d'une politique forte et d'une diplomatie dissuasive bien eÌlaboreÌes par les restes, demeureÌs plus ou moins indeÌpendants, de ce qui fut autrefois la patrie unie.
Aussi, pour reconqueÌrir nos territoires occupeÌs et reÌtablir l'inteÌgriteÌ de notre patrie, la condition preÌalable à remplir est de donner, par un travail acharneÌ, plus de force et de vigueur à ce qui reste de notre Etat, ainsi qu'à l'ineÌbranlable reÌsolution, sommeillant dans les cÅ“urs de filles et fils du Congo-Zaïre, de consacrer, quand l'heure viendra, au service de la deÌlivrance et de l'union de tout notre peuple, la puissance reÌcupeÌreÌe par l'Etat. Nous devons donc conqueÌrir, au profit de ce qui reste de l'Etat, une puissance politique et une force telles qu'elles permettent de forcer la volonteÌ des ennemis à venir à composition. Car nos terres occupeÌes et nos compatriotes opprimeÌs ne seront pas reÌincorporeÌs à la patrie par des protestations enflammeÌes, mais par les coups victorieux d'une diplomatie active et dissuasive. Cette nouvelle diplomatie doit eÌ‚tre pratiqueÌe de telle sorte que notre peuple ne soit pas conduit par son heÌroïsme à sa perte ; elle doit veiller efficacement à sa conservation. Pour parvenir à ce reÌsultat, tout moyen est leÌgitime et ne pas y avoir recours doit eÌ‚tre consideÌreÌ comme un criminel oubli du devoir patriotique. Mais je veux eÌ‚tre clair avec vous. Je crois que le Congo-Zaïre a perdu sa puissance et son reÌ€gne pour longtemps et qu'il nous faudra pendant longtemps une patience deÌsespeÌreÌe, une reÌvolte attentive pour retrouver la part de prestige neÌcessaire à toute nation. Mais je crois eÌgalement qu'il a perdu tout cela pour des raisons eÌvidentes. Et c'est pourquoi l'espoir ne doit pas nous quitter.